Le
brevet peut être défini comme le titre de propriété
industrielle délivré par
les pouvoirs publics (INPI) ou par une autorité reconnue par l'Etat
(OEB)
conférant à son titulaire un monopole temporaire d'exploitation sur
l'invention
qui en est l'objet.
1
/ Caractéristiques de l'innovation brevetable
a)
Non contrariété aux bonnes moeurs et à l'ordre public
La
création industrielle doit être compatible avec les règles élémentaires
de vie
en société. Comme toutes règles d'inspiration morale, ces dernières
sont
fortement évolutives, notamment sur leur aspect « bonnes
moeurs ».
L'ordre public, quant à lui, est une notion-valise, comportant
notamment la
tranquillité et la sécurité des biens et des personnes.
Par
exemple : ce
qui a trait à la sexualité (mais de moins en moins : un préservatif en
1913 a
ainsi été privé de brevetabilité) ; les procédés de clonage ;
l'utilisation
d'embryons humains à des fins industrielles...
On
pourrait voir aussi avec le développement du droit de l'environnement,
l'exclusion
de brevet pour une invention jugée trop polluante.
b)
Nouveauté de l'invention
Il
faut que l'invention réalise un apport à la technique connue. L'article
L.
611-11 du CPI dispose que « une invention est
considérée comme nouvelle
si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ».
L'état
de la technique
comprend « tout ce qui a été rendu accessible au
public avant la date
du dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale,
un usage
ou tout autre moyen ».
Il est donc nécessaire de définir le public concerné, la qualité de l'accessibilité en question et la date d'examen du caractère de nouveauté.
S'agissant
du public, il consiste en toute personne non tenue
à une obligation de
confidentialité et qui à la seule vue du résultat de l'invention est en
mesure
de la comprendre et de la reprendre :
- il
peut s'agir d'une seule personne ou d'un petit groupe de personne
- le
public est mondial : peu importe qu'il soit français ou non
- en
revanche, les personnes tenues à la confidentialité ne sont pas du
public (CPI
par exemple). La confidentialité en question doit être une obligation
et non un
vague secret (comme une réunion sur invitation ou à accès restreint)
- il
faut que cette divulgation puisse permettre à un professionnel de
comprendre et
reproduire l'invention : pas un bref article de presse, une conférence
si elle
ne dévoile pas la solution donnée, un simple croquis... L'information
doit être
intelligible...
L'accessibilité
suppose que le public ait été en mesure d'accèder à l'invention, et non
que
cela ait été fait en pratique ! Ainsi ont pu être considérés comme
accessibles,
les éléments suivants :
- des
documents d'archive
- des
présentations orales
- des
essais insufisamment confidentiels
Par
ailleurs, peu importe le lieu (France comme étranger) où la divulgation
a eu
lieu. De même, la divulgation peut être très ancienne (exemple d'un
gantelet en
fer conçu pour protéger les mains des bouchers qui n'a pu être breveté
en
raison de sa présence... sur une fresque datant du Moyen-Âge !).
La
divulgation est toujours une situation objective : en ce sens, il
importe peu
qu'il n'ait pas été dans l'intention de l'inventeur de divulguer
l'oeuvre ! La
simple imprudence peut suffire à empêcher un inventeur de breveter son
invention...
Enfin
l'invention fait partie de l'état de la technique quand elle a été
dévoilée
avant « la date de dépôt de la demande de
brevet ».
c)
Notion d'activité inventive
L'article
L. 611-4 du CPI dispose qu'une « invention est
considérée comme
impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne
découle
pas d'une manière évidente de l'état de la technique ».
L'invention
n'est pas l'adaptation de l'existant. Elle ne coule pas de source.
Roubier
pose la définition suivante de l'activité inventive : il s'agit de « celle
qui dépasse la technique industrielle courante, soit dans son principe
par
l'idée intuitive qui est à sa base, soit dans ses moyens de réalisation
par une
difficulté que l'inventeur a dû vaincre, soit dans ses résultats
économiques par
l'avantage inattendu que l'invention a apporté à l'industrie ».
En ce
sens l'invention est plus qu'une simple innovation, qui elle est
réalisée par
l'homme du métier dans le cadre de simples opérations d'exécution.
En
revanche, la loi ne fait qu'exiger la présence d'une activité
inventive, sans
pour autant la quantifier : il y a des petites et des grandes
inventions. Nul
n'est forcé d'être génial pour déposer un brevet.
d)
L'application industrielle
Nous
sommes dans le domaine, non pas de l'abstraction, mais de la
réalisation (cf.
le problème des formules mathématiques). L'invention doit
avoir une
application dans une industrie quelle qu'elle soit, y compris agricole
ou
artisanale. En revanche, il n'y a pas à examiner les performances
industrielles
de l'invention : la médiocrité peut être brevetée.
2
/ La procédure pour obtenir un brevet
Contrairement
au droit d'auteur, le brevet ne prend pas naissance du seul fait de la
création. : une autorité publique devra délivrer un titre de propriété
industrielle et c'est ce dernier qui conférera à son titulaire un droit
exclusif d'exploitation.
Trois
voies sont pratiquables :
- la
voie nationale (INPI)
- la
voie européenne (OEB)
- la
voie internationale (OMPI)
Seule
la première sera étudiée dans ce développement.
a)
Les personnes, sujettes du droit du brevet
Le
premier déposant
est réputé, jusqu'à preuve du contraire, comme le propriétaire du
brevet
demandé. Cette règle de bon sens tient en effet au fait que la plupart
du temps
le déposant est l'inventeur ou l'un de ses ayants-droits (cas d'une
recherche
réalisée pour le compte de quelqu'un : contrat de recherche ou de
travail). La
personne peut être aussi bien physique que morale.
Si
l'inventeur n'est pas le premier déposant, il doit
être mentionné en sa qualité d'inventeur
dans le brevet (c'est son droit moral). Il peut en revanche s'opposer à
cette
mention. En cas de violation de cette règle, le déposant verra sa responsabilité engagée.
Par
ailleurs, l'inventeur, en cas de soustraction frauduleuse, peut exercer
une
action en revendication.
S'agissant
des contrats de sous-traitance
au regard du droit des brevets, il convient de préciser que :
- si
les informations transmises au sous traitant sont brevetables, il est
nécessaire de faire apparaître une clause de confidentialité dans le
contrat
(sinon il s'agit d'une divulgation)
- si
elles sont déjà brevetées, il faudra que le contrat soit accompagné
d'une
licence d'exploitation (dans le but précis de la mission de sous
traitance)
- si
le sous traitant réalise des améliorations, ces dernières peuvent être
automatiquement transmises au donneur d'ordre, sous réserve que le
contrat le
prévoit explicitement
Pour
le contrat de travail
(à défaut de dispositions plus favorables au salarié), il convient de
distinguer les inventions de mission de celles hors mission. S'agissant
des
premières :
-
les
invention de mission sont celles réalisées par le salarié dans
l'exécution d'un
contrat de travail comportant une mission inventive correspondant à ses
fonctions effectives ou d'études et recherches qui lui sont
explicitement
confiées. La mission peut être permanente comme temporaire
- dans
ce cas l'employeur sera titulaire de la propriété de l'invention.
Attention !
Le salarié ne perd pas son droit moral. En plus le salarié devra
percevoir un
complément de rémunération au titre de l'invention
Les
inventions hors mission sont toutes les autres. Seules certaines
d'entre elles
sont attribuables sous réserve du respect de trois critères cumulatifs :
- le
salarié a réalisé l'invention au cours de l'exécution de ses fonctions
-
l'invention
réalisée entre dans le domaine d'activité de l'entreprise : il s'agit
d'une
disposition d'interprétation stricte, le groupe ne doit pas être pris
en compte
pour l'appréciation de ce critère
- l'invention
a été réalisée à l'aide de techniques et de moyens spécifiques de
l'entreprise
: il ne s'agit pas des moyens « banaux »
(papiers, stylos)
mais plutôt de machines ou logiciels spécifiques (peu important que le
salarié
ait eu le droit de s'en servir à ce genre de fins)
- dans
ce cas là, la propriété de l'invention appartient à l'employé.
Néanmoins,
l'employeur peut en obtenir la propriété exclusive s'il décide d'en
payer le « juste
prix », à savoir la valeur commerciale de
l'invention. Il peut
également se faire attribuer une licence exclusive ou un droit d'option
sur une
cession ou une licence à venir
Plus
généralement, le salarié est tenu d'informer l'employeur de l'existence
de
cette invention. Un classement sera proposé et en cas de désaccord la
partie la
plus diligente pourra saisir la Commission Nationale des Inventions de
Salariés
(CNIS). Dans l'attente, l'invention ne doit pas être divulguée et les
dépôts de
demande de brevet devront être différées.
b)
Le dépôt de la demande
La
date du dépôt est indifférente : il n'y a pas de délai pour déposer une
première demande de brevet. La date sera acquise au jour du dépôt à
l'INPI ou
d'une préfecture autre que celle de Paris.
Le
dépôt peut s'effectuer :
- en
mains propres
- en
LRAR
- en
télécopie
- par
internet
- par
le demandeur lui même
- ou
son mandataire, s'il a son domicile, son siège ou un établissement en
France
Il
faut déposer :
-
une
requête mentionnant une invention (et une seule), le nom de l'inventeur
(sauf
opposition de sa part), l'identification du demandeur, la désignation
du titre
de propriété industrielle demandé (un brevet), le titre de l'invention.
Il
existe des formulaires prérempli de l'INPI. La requête doit être
rédigée en
principe en français et ne pas être contraire à l'ordre public et aux
bonnes
moeurs
- une
description de l'invention : claire et complète, elle doit comprendre
le
principe et sa mise en oeuvre. En bref, la description permet d'exposer
l'invention, de la faire comprendre et de la réaliser (par l'homme du
métier,
il ne s'agit pas de faire de la vulgarisation !), mais pas
nécessairement de
manière parfaite. La description doit plus pragmatiquement :
- l'indication
du domaine technique auquel elle se rapporte
- l'indication
de l'état de la technique antérieur
- un
exposé de l'invention en tant que solution a un problème technique
- une
brève description des dessins
- un
exposé détaillé d'au moins un mode de réalisation de l'invention
- l'exposé
de l'application industrielle de l'invention
- les
dessins qui sont les représentations graphiques de l'invention :
facultatif,
ils peuvent servir à compléter la description sans pour autant la
remplacer
(attention ! Les formules mathématiques, les tableaux sont compris dans
la
description)
- les
revendications déterminent la protection demandée. Elles informent
l'INPI de ce
que l'inventeur considère comme le coeur de son invention. Elles font
référence
à la description et doivent en ce sens être évoquées par celle-ci
- l'abrégé
qui sera publié au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle
(BOPI), en
150 mots maximum comprenant un résumé concis de la description, des
revendications, précisant le domaine technique de l'invention, les
problèmes
techniques et le sens de la solution
- la
déclaration de priorité en cas de dépôt antérieur devant une autre
instance
(européenne ou internationale)
- le
paiement des taxes
c)
L'examen de la demande
La
demande est instruite par l'INPI pour les brevets déposés en France. Il
y a
plusieurs étapes dans l'examen d'un brevet :
- dans
les 15 jours de la demande, l 'INPI attribue un numéro
d'enregistrement
national
- à
l'issue d'un délai de 18 mois à compter de la demande, celle-ci est
publiée au
BOPI (ce délai peut être écourté à la demande du déposant). Cette
publication a
un double effet : possibilité de poursuites en contrefaçon pour les
faits postérieurs
à la publication (la demande devient opposable aux tiers), possibilité
pour les
tiers de prendre connaissance du dossier et de formuler des
observations sur la
validité de la demande (sur la nouveauté de l'invention exclusivement)
- un
rapport de recherche préliminaire est rédigé : il vise à rechercher les
antériorités éventuelles. Le rapport de recherche est établi dans les
18 mois
de la demande
- si
des antériorités sont mentionnées au rapport de recherche préliminaire,
le
demandeur est tenu d'y répondre : dans le délai de 3 mois, il doit soit
changer
ses revendications, soit contester les antériorités
-
si
des antériorités ont été indiquées dans les observations des tiers, le
demandeur en est informé (elles sont présentées dans les 3 mois du
rapport de recherche)
et il a 3 mois pour y répondre
- le
rapport de recherche définitif sera annexé au brevet
En
cours de procédure la demande peut être retirée. Si le retrait a lieu
avant la
publication de la demande, il n'y a pas divulgation.
Il
est à noter que le Ministère de la Défense est informé dans les 15
jours du
dépôt à l'INPI des demandes de brevet. Il pourra :
- demander
l'expropriation au bénéfice de l'Etat
- acquérir
une licence d'office sur l'exploitation du brevet
Le
Ministère de la Défense dispose d'un délai pour prendre connaissance du
brevet
de 5 mois. Pendant ce temps, le demandeur ne peut ni divulguer ni
exploiter sa
création sauf autorisation du Ministre. A défaut des sanctions
correctionnelles
voire criminelles (en cas d'intelligence avec une puissance ou une
entreprise
étrangère) sont encourues.
Le
brevet peut être à l'issue de la procédure délivré ou rejeté.
Le
brevet contient matériellement :
- la
date du dépôt de la demande, la date de publication au BOPI, la date de
la
décision de la délivrance, la date de publication de la décision de
délivrance
au BOPI
- la
description et les dessins
- les
revendications et les mentions comme quoi celles ci ont été modifiées
ou non et
que des tiers ont formulé des observations ou non
- le
rapport de recherche définitif
3
/ Intérêt du brevet
Le
brevet dure 20 ans et confère le droit d'interdire à tout tiers, en
l'absence
du consentement du propriétaire du brevet, de fabriquer, de
commercialiser,
d'utiliser ou de détenir le produit objet du brevet.
Il
n'est valable que sur le territoire où il a été délivré.
Il
existe l'exception de l'inventeur concommitant qui peut revendiquer un
droit de
possession personnelle antérieure. Par ailleurs l'utilisation
personnelle à des
fins non commerciales ou l'utilisation à des fins expérimentales ne
sont pas
sanctionnées.
Le
breveté quant à lui devra payer des annuités. Il est tenu également
d'exploiter
l'invention.
Contrairement
au droit des marques, la non exploitation n'entraîne pas la déchéance
mais la
délivrance de licence obligatoire à tout demandeur si l'invention n'a
pas été
exploitée dans les 3 années après la date de délivrance (sauf motif
légitime).
La procédure se déroule devant le Tribunal de Grande Instance et
donnera lieu
au paiement d'une redevance au titulaire du brevet en cas de réussite.
En
cas de violation des droits du bénéficiaire du brevet, ce dernier peut
engager
l'action en contrefaçon devant un Tribunal de Grande Instance compétent
en la
matière ou devant le juge pénal (2 ans d'emprisonnement, 150.000 €
d'amende).
Il est à noter l'utilité de la saisie-contrefaçon qui permet d'obtenir
par voie
d'huissier des éléments quant à la production contrefaite.
La
voie civile permet d'obtenir :
- une
indemnisation
- la
publication de la décision
- l'interdiction
(mesure provisoire)
- la confiscation (mesure provisoire)