Les dirigeants sociaux

avocat Lyon dirigeants sociaux

Me Katia GUILLERMET, Me Guy NAGEL avocats à Lyon (mise à jour avril 2021)

La désignation des dirigeants sociaux

Les limites à la liberté du choix

Tout le monde ne peut pas faire partie de la direction d’une société.
A titre d’exemple, on peut retenir :

• l’administrateur de SA ne doit pas être interdit d’activité commerciale par la justice (bien que n’étant pas lui-même commerçant). Il ne peut être fonctionnaire, parlementaire, officier ministériel ou auxiliaire de justice.
• l’administrateur de SA ne doit pas être un mineur non plus.
• pas plus d’un tiers des membres d’un même conseil d’administration (CA) ne doit avoir plus de 70 ans (sauf dispositions contraires).
• plus généralement une personne physique (es qualité ou en tant que représentant d’une personne morale) ne peut appartenir à plus de 5 CA ou Conseils de Surveillance à la fois.
• le Président du Conseil d’Administration (PCA) de la SA doit être une personne physique, ne pas être âgé de plus de 65 ans (les statuts peuvent prévoir autre chose), être membre du CA et respecter la règle de cumul des mandats.
• le Directeur Général (DG) de la SA est soumis aux mêmes conditions sauf celle relative à la qualité de membre du CA qui n’est pas obligatoire.
• les membres du Directoire (régime calqué sur celui du DG) : pas plus de 65 ans, que des personnes physiques, pas besoin en principe d’être des actionnaires, ne peuvent être membres du Conseil de Surveillance et pas plus d’un poste de membre du Directoire sur le territoire français.
• les membres du Conseil de Surveillance (régime calqué sur celui du CA) : ils doivent être actionnaires, ne pas avoir plus de 70 ans pour les 2/3 d’entre eux (sauf dispositions contraires) et ils ne peuvent être membres du Directoire.
• le gérant de la SARL doit être une personne physique, possédant la capacité commerciale (sans être lui-même commerçant). Il peut être associé ou non, aucune limite d’âge n’est posée et la règle du cumul ne s’applique pas.

Dirigeant personne physique ou personne morale ?

Une personne morale peut être administratrice d’une SA ou membre d’un Conseil de Surveillance : la personne morale doit désigner en revanche une personne physique pour la représenter. Cette personne physique est soumise aux mêmes obligations que les personnes physiques administratrices es qualité.
En revanche, une personne morale ne peut être ni au Directoire, ni PCA, ni gérante de SARL.

Publicité de la désignation

Après la nomination par l’organe compétent (par exemple : l’AG pour les administrateurs de SA, le CA pour le PCA et le DG de la SA, le CS par l’AG, le Directoire par le CS et le Gérant par l’AG), il faut procéder à la publication de la désignation.
Les tiers doivent être avertis de la nomination, mais aussi de la révocation ou de la démission des dirigeants. Elle sera assurée par les voies habituelles : JAL, RCS, BODACC.

Les pouvoirs des dirigeants sociaux

Sur le plan interne

Les organes de gestion ont tous pouvoirs pour diriger la société dans l’intérêt de celle-ci.
Il y a :

• les missions traditionnelles de chef d’entreprise
• le dirigeant est également le représentant juridique de la société : c’est lui qui est habilité à la représenter en justice, par principe

La différence avec les associés est que le contrôle du dirigeant est quotidien là où celui des associés n’est qu’épisodique.
Néanmoins, les pouvoirs des dirigeants ne sont pas absolus. Ils doivent respecter :

• les prérogatives des autres organes, comme les assemblées (pour approuver les comptes ou modifier les statuts)
• les statuts qui peuvent leur interdire certains actes ou leur imposer de recueillir au préalable l’accord des associés ou de tel organe (par exemple :vendre le fonds de commerce, souscrire un emprunt dépassant un certain montant)
• l’objet social
• l’intérêt social

Le dirigeant qui violerait ces limites s’expose à :

• une sanction politique (sa révocation par l’assemblée générale par exemple)
• une sanction juridique (il peut engager sa responsabilité civile)

Sur le plan externe

Le tiers avec lequel contracte le gérant n’est pas nécessairement informé des clauses statutaires de limitation de pouvoir du dirigeant. Plusieurs cas sont à distinguer.

Le dirigeant peut dépasser l’objet social dans ce cas, il convient de distinguer les sociétés à risque limité des autres (société civile ou SNC par exemple).
  • Quand le risque est limité la société est engagée vis-à-vis du tiers quand bien même l’acte dépasserait l’objet social. La sanction du dirigeant sera purement interne. Attention ! Le tiers doit être de bonne foi, c’est-à-dire qu’au moment de contracter il doit ignorer que l’acte dépassait l’objet social… À ce titre, il convient de noter que la seule publication des statuts ne suffit pas à qualifier la mauvaise foi du tiers (il faut rapporter la preuve que le tiers avait la connaissance effective au moment de contracter du dépassement de l’objet social).
  • Quand le risque est illimité, les dirigeants n’engageront la société que pour les actes ne dépassant pas l’objet social. Dans ce cas-là, seule la responsabilité du dirigeant indélicat pourra être engagée.

Le dirigeant peut violer une clause statutaire de limitation de ses pouvoirs : une telle clause est réputée inopposable aux tiers. Il n’est pas nécessaire de s’interroger sur sa bonne ou mauvaise foi : quand bien même le tiers aurait eu connaissance de la clause, on ne pourra la lui opposer. L’acte sera valable. La société pourra en revanche engager la responsabilité civile du dirigeant en cas de préjudice.

Le dirigeant peut violer l’intérêt social : il s’agit de la passation d’actes à des fins étrangères au but défini par l’acte constitutif. C’est le cas de l’acte passé dans le seul intérêt du dirigeant… Dans ce cas, c’est sur le terrain de la nullité du contrat qu’il faudra se placer, outre l’éventuelle action en responsabilité contre le dirigeant.

Les responsabilités des dirigeants sociaux

La responsabilité civile

La responsabilité des dirigeants peut d’abord concerner leurs rapports avec la société ou les associés.
Les manquements en question peuvent être :

• la violation des dispositions légales ou réglementaires
• la violation des statuts
• la faute de gestion (le comportement du gérant non conforme à l’intérêt social)

Il y a tout d’abord pour réparer le préjudice de la société, l’action ut universi : le dirigeant social représentant la société en justice, c’est lui qui agira devant le tribunal. Il s’agit de l’hypothèse où le nouveau dirigeant se retourne au nom de la société contre l’ancien dirigeant. En revanche quid du cas où le dirigeant n’a pas changé ?
L’action sociale ut singuli permet de résoudre cette difficulté : chaque associé peut exercer cette action, quand bien même il ne disposerait que d’une seule part sociale ou action (possible dans toutes les sociétés).
Cette action étrange se justifie par son caractère conservatoire et subsidiaire.
Conservatoire, car elle vise à protéger le patrimoine social des conséquences néfastes de l’action de ses dirigeants.
Subsidiaire, car c’est après avoir constaté la carence à agir des dirigeants qu’elle peut être exercée.
L’action est faite au nom de la société et cette dernière doit être partie à l’instance (appelée dans la cause). Il peut être utile de demander la désignation d’un mandataire ad hoc.
Pour protéger cette action rare (elle coute à l’associé et ne lui rapporte rien personnellement), la loi interdit :

• toute clause subordonnant l’action à une autorisation ou un avis de l’assemblée générale
• toute clause de renonciation à l’exercice de cette action
• que le quitus donné par une assemblée fasse obstacle à cette action

Enfin, l’associé peut avoir un préjudice personnel (qui suppose la faute détachable des fonctions) du fait des agissements des dirigeants. Ce préjudice doit être distinct de celui subi par la société (comme le détournement par la société des dividendes revenant à cet associé). En revanche tel n’est pas le cas de la dépréciation de la valeur de ses titres (relève de l’action sociale : le préjudice personnel n’étant qu’un corollaire du préjudice de la société).

La responsabilité peut également concerner les tiers : cela suppose l’existence d’une faute détachable des fonctions (à l’instar des fonctionnaires les dirigeants ne répondent pas de la simple faute de service).
La Cour de Cassation définit ainsi cette faute : « la responsabilité du dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions […] Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ».

Par exemple :
– une SARL mandatée pour vendre une voiture de sport à laquelle on avait bien dit que le gérant ne pourrait l’utiliser que pour des démonstrations. Suite à un déplacement personnel et un accident, la faute détachable des fonctions du gérant a été retenue et ce dernier a été condamné
– le dirigeant qui participerait à des actes de contrefaçon de manière active et à son initiative
Cela ne signifie pas que le gérant qui agit dans ses fonctions ne peut avoir de problèmes. S’il a commis une faute de gestion, la société qui a été condamnée à payer peut se retourner contre lui nonobstant l’absence de faute détachable (en pratique action ut singuli des associés ou ut universi de la nouvelle équipe).

Par ailleurs, agir au pénal, est intéressant : la chambre criminelle ne retient pas la distinction sur le caractère détachable ou non s’agissant de l’action civile.

La responsabilité pénale

Le dirigeant peut être reconnu personnellement responsable pénalement d’une infraction.
Il existe des qualifications spéciales dans les sociétés à risque limité (SARL et sociétés par actions) : présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux… Des interdictions de gestion peuvent être prononcées.
Dans les autres sociétés, il n’existe pas de délits spécifiques, mais le droit commun s’applique (avec des infractions telles que l’abus de confiance).
La responsabilité de la personne morale est un principe maintenant consacré par le Code Pénal.
En revanche, un dirigeant condamné personnellement ne pourra mettre à la charge de la société le paiement des amendes : il s’agirait d’un abus de biens sociaux ou d’un abus de confiance.
Par ailleurs, en tant que chef d’entreprise, le dirigeant social a une responsabilité en matière de droit pénal du travail (travail dissimulé), du droit pénal fiscal (la fraude fiscale), …
Pour écarter la responsabilité du chef d’entreprise en de telles hypothèses, on peut rapporter la preuve d’une délégation de pouvoirs valable à une personne disposant de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour accomplir les tâches. Auquel cas, elle sera poursuivie.

La responsabilité fiscale

Les dirigeants peuvent être condamnés au paiement des dettes sociales que la société n’aurait pas payée en cas de manœuvre frauduleuse ou d’inobservations graves et répétées de leurs obligations fiscales.

La responsabilité en cas de procédure collective

Le dirigeant peut engager sa responsabilité, dans le cas où par sa faute ou son manque de diligence, il a amené la société jusqu’au dépôt de bilan.
Le Tribunal peut, en effet, décider de faire supporter « en tout ou partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion » les dettes de la société.
Cette faute peut être d’action (témérité, démesure dans les projets, entêtement dans une situation désespérée [le fait de ne pas avoir déposé le bilan]) ou d’omission (défaut de surveillance, absence d’études avant de se lancer, absence de comptabilité analytique).
Les sommes recouvrées sur les dirigeants iront dans le patrimoine social de la liquidation et seront réparties entre créanciers (après déduction des frais de justice).

Pénalement, le dirigeant peut être poursuivi du délit de banqueroute.
L’article L654-2 du Code de Commerce le définit :
« En cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article L. 654-1 contre lesquelles a été relevé l’un des faits ci-après :
   1° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
   2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ;
   3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
   4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;
   5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales.

La banqueroute est punie au maximum de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende.

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